ZVONIMIR KARAKATIĆ - un vrai cinéaste
Je regarde toute ce qui scintille!
Je ne sais pas si Reg Lancaster a prononcé exactement ces mots , mais je sais ce qu’il voulait dire. Il regarde toutes sortes de films, le tout avec ce beau scintillement de lumière…
C’était une de ces situations sans importance, presque négligeables : des cinéastes d’environ 20 ans, du monde entier, se sont réunis au Festival d’Unica en Bulgarie pour réaliser un film sur ce festival. Ils ont voulu montrer au public (et sans doute à eux-mêmes) ce qu’est l’Unica vraiment, et quel genre de personnes y participent. Regarder ce film intéressant montrera aux spectateurs que les participants sont des passionnés, des gens joyeux, intéressants et conviviaux qui aiment se lier d’amitié avec des personnes qui leur ressemblent, indépendamment de leur nationalité, convictions politiques ou autre. La phrase de Reg était une réponse à la question « quel genre de film aimez-vous ? » Pour moi, cela a parfaitement saisi l’essentiel. Dans ce document, je me suis reconnu comme la personne que je suis depuis ma plus tendre enfance. |
C'est l'affiche d'un film de long métrage réalisés par Arminio Grgić et Zvonimir Karakatić sur ce sujet. Il est disponible en croate et également avec sous-titres anglais.
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Požega - une ville pleine de cinémas
La petite enfance de l'auteur.
Je suis né à la fin des années 1970 dans l’ex-république socialiste de Croatie, qui faisait partie d’une plus grande fédération appelée la Yougoslavie. Quand j’avais trois ans, j’ai déménagé à la ville qui était connue à l’époque comme Slavonska Pozega( pour la différencier de Uzicka Pozega en Serbie).
Pour aussi longtemps que je puisse me souvenir, je connaissais des dessins animés, et quand j’appris à lire, j’ai utilisé cette connaissance pour les sous-titres de films. Regarder des films était devenu presque une religion, les « prières » du soir après les actualités de la chaîne TV centrale. Plusieurs « messes » au « temple cinéma » où des « prêtres » comme Forman, Coppola, Spielberg, Eastwood, Zemeckis et d’autres expliquaient la différence entre le bien et le mal, quelquefois gentiment, mais aussi, parfois d’une façon très « Vas-y, fais-moi plaisir ! »
Ils nous ont révélé ce que c’est l’amour, et ce qui est tout simplement le désir. Ils ont montré que des personnes apparemment sans pouvoir peuvent faire la différence, et faire en sorte que ce monde devienne meilleur. Le plus grand peuple dans l’histoire de l’humanité était justement cela, le peuple. Ils l’ont présenté d’une manière apparemment simple, par une voie artistique et une production maitrisée.
A cette époque, Slavonska Pozega, qui avait une population d’environ 20 000 en son centre urbain, possédait 4 cinéma-temples. L’un d’entre eux avait même 2 entrées, une de chaque coté de l’édifice.
« L’autre » entrée fut utilisée par ceux qui regagneraient leur cellules de prison après des séances spéciales. Oui, c’était un cinéma-prison, un endroit idéal pour voir un film pacificateur, sans violence ni incitation de commettre un crime d’aucune sorte.
Pour aussi longtemps que je puisse me souvenir, je connaissais des dessins animés, et quand j’appris à lire, j’ai utilisé cette connaissance pour les sous-titres de films. Regarder des films était devenu presque une religion, les « prières » du soir après les actualités de la chaîne TV centrale. Plusieurs « messes » au « temple cinéma » où des « prêtres » comme Forman, Coppola, Spielberg, Eastwood, Zemeckis et d’autres expliquaient la différence entre le bien et le mal, quelquefois gentiment, mais aussi, parfois d’une façon très « Vas-y, fais-moi plaisir ! »
Ils nous ont révélé ce que c’est l’amour, et ce qui est tout simplement le désir. Ils ont montré que des personnes apparemment sans pouvoir peuvent faire la différence, et faire en sorte que ce monde devienne meilleur. Le plus grand peuple dans l’histoire de l’humanité était justement cela, le peuple. Ils l’ont présenté d’une manière apparemment simple, par une voie artistique et une production maitrisée.
A cette époque, Slavonska Pozega, qui avait une population d’environ 20 000 en son centre urbain, possédait 4 cinéma-temples. L’un d’entre eux avait même 2 entrées, une de chaque coté de l’édifice.
« L’autre » entrée fut utilisée par ceux qui regagneraient leur cellules de prison après des séances spéciales. Oui, c’était un cinéma-prison, un endroit idéal pour voir un film pacificateur, sans violence ni incitation de commettre un crime d’aucune sorte.
Aujourd'hui, avec une population d'environ 28 000 personnes, y compris ses villages satellites dans le maintenant République indépendante de Croatie, Požega a perdu son préfixe «Slavonska", ainsi que l'ensemble de ses salles de cinéma. Il n'y en a pas. Zéro. Zilch.
Pour beaucoup de gens ce passé largement inaperçu, reconnu comme l'un de ces «c'est la vie» des choses. Mais pour moi et d'autres fans des images animées, la fermeture de la dernière salle de cinéma de la ville était (et est toujours) un de ces moments inquiétants pour lesquels aucune explication est assez bon. Malheureusement, de nombreuses villes en Croatie ont connu le même sort. Les petits cinémas, souvent étiquetés comme «socialiste» ont commencé à disparaître.
Pour beaucoup de gens ce passé largement inaperçu, reconnu comme l'un de ces «c'est la vie» des choses. Mais pour moi et d'autres fans des images animées, la fermeture de la dernière salle de cinéma de la ville était (et est toujours) un de ces moments inquiétants pour lesquels aucune explication est assez bon. Malheureusement, de nombreuses villes en Croatie ont connu le même sort. Les petits cinémas, souvent étiquetés comme «socialiste» ont commencé à disparaître.
Avons-nous abandonné le cinéma?
Sur le voyage en train à Zagreb.
Aujourd’hui, avec une population d’environ 28,000, comprenant les villages autour, dans la République de Croatie, devenue indépendante, Pozega a perdu le préfixe Slavonska, aussi bien que tous ses cinémas. Il n’a y en a aucun. Zéro. Nul.Pour beaucoup de gens, ceci a été pour une large part sans effet. C’est accepté, come une des choses « de la vie ». Mais pour moi et d’autres adeptes des images animées, la fermeture du dernier cinéma était, (et l’est encore), un des ces moments dérangeants que rien ne peut expliquer. Malheureusement, beaucoup de villes en Croatie ont subi le même sort. Les petits cinémas, que l’on qualifiait souvent de « socialistes », ont commencé à disparaître. A-t-on abandonné le cinéma ? Le seul endroit où on pouvait voir un film était à Zagreb, la capitale de la Croatie, à presque 200 kms de Pozega. Est-ce loin ? Oui, ça l’est. Deux heures en voiture de Pozega.
Est-ce que cela nous a empêché et découragé nos efforts de voir des films dans leur environnement naturel ?
NON ?
PAS DU TOUT !
Est-ce que cela nous a empêché et découragé nos efforts de voir des films dans leur environnement naturel ?
NON ?
PAS DU TOUT !
Nous consacrions des weekends entiers (et encore aujourd’hui) au voyage à Zagreb avec un but : voir des films, beaucoup de films. L’année est arrivée où nous devions fêter les 100 ans depuis la première projection à Pozega. Mon ami cinéphile, Arminio, et moi décidâmes de faire un cadeau pur tous ceux qui aiment le cinéma and qui aiment notre ville : un long métrage amateur. Quelque chose pour rappeler aux gens comment étaient les choses à l’époque, pour les ramener à l’âge de leur jeunesse pendant un petit moment, pour les renvoyer à des temps plus heureux, au moins du point de vue du cinéma.
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Comme je disais, Pozega avaient 4 cinémas. Le plus grand était dans ma rue (mon fanatisme était prédestiné), en fait, juste en face de là où j’habitais. J’ai été exposé aux diverses affiches de cinéma à partir d’un âge précoce, des publicités pour des films d’animation et des films pour enfants, aussi bien que pour Tarzan et beaucoup d’autres. Les affiches arborant des visages souriants ou sérieux, même des affiches sans visages ni gens. Les films de la 2e Guerre mondiale furent une partie du folklore des cinéphiles, aussi bien que les affiches occasionnelles où figuraient des dames à peine vêtues, portant une légende qui n’était pas claire pour moi à l’époque : ne convient pas aux mineurs…
La première fois que je suis allé au cinéma, j’ai vu un film animé de Walt Disney. Depuis ce temps-là, je suis devenu fan de l’écran argenté et tout ce qu’on peut y voir. Mais ce n’est qu’en voyant le film de Milos Forman Amadeus que cet amour est devenu réel et passionné. Peut-être que je n’étais pas assez grand pour vraiment comprendre la signification du film ; mais ce « paquet » entier de musique, images, scènes attrayantes, accompagné du rire contagieux et psychédélique de Tom Hulce, ainsi que les scènes intimidantes (pour un jeune de 9 ans) avec F.Murray Abraham, portant ce masque noir alors qu’il recherchait les derniers atomes de la vie de Mozart pour le Requiem, qui a résonné à travers l’obscurité de la salle de cinéma. Ce fut cette autre chose qui m’a ouvert la boîte de Pandore, créant ainsi ce que représentent les films pour moi aujourd’hui. Il n’y avait pas de retour.
C’était une bénédiction déguisée (du moins, c’est ce que mes parents ont cru), le fait que ce cinéma se trouvait à côté, que tout le personnel me connaissait. De cette manière, j’ai pu voir certains films gratuitement, ce qui était formidable, puisque je ne pouvais pas me payer un billet pour chaque film à l’affiche. Et je voulais les voir tous. Tous les films n’étaient pas projetés dans ce cinéma (appelé le « Centrale) mais aussi dans le Narodno (le cinéma municipal) situé sur la place publique. Aujourd’hui c’est le siège du théâtre de la ville. Il y avait aussi quelques films dans le Dom JNA (Le Centre de l’ l’Armée du peuple Yougoslave). C’était plus difficile d’y rentrer gratuitement parce que je n’étais pas un des habitués, alors j’ai utilisé divers tactiques pour voir un film, même quand je n’avais pas assez d’argent. En général, je combinais plusieurs vieux billets de la même couleur (ils étaient de couleurs différentes) pour en faire un faux, et je me mêlais à la foule. J’ai tellement perfectionné ce procédé que je pouvais aller au cinéma jusqu’à 5 fois à l’aide de deux billets valides et un peu de scotch.
La première fois que je suis allé au cinéma, j’ai vu un film animé de Walt Disney. Depuis ce temps-là, je suis devenu fan de l’écran argenté et tout ce qu’on peut y voir. Mais ce n’est qu’en voyant le film de Milos Forman Amadeus que cet amour est devenu réel et passionné. Peut-être que je n’étais pas assez grand pour vraiment comprendre la signification du film ; mais ce « paquet » entier de musique, images, scènes attrayantes, accompagné du rire contagieux et psychédélique de Tom Hulce, ainsi que les scènes intimidantes (pour un jeune de 9 ans) avec F.Murray Abraham, portant ce masque noir alors qu’il recherchait les derniers atomes de la vie de Mozart pour le Requiem, qui a résonné à travers l’obscurité de la salle de cinéma. Ce fut cette autre chose qui m’a ouvert la boîte de Pandore, créant ainsi ce que représentent les films pour moi aujourd’hui. Il n’y avait pas de retour.
C’était une bénédiction déguisée (du moins, c’est ce que mes parents ont cru), le fait que ce cinéma se trouvait à côté, que tout le personnel me connaissait. De cette manière, j’ai pu voir certains films gratuitement, ce qui était formidable, puisque je ne pouvais pas me payer un billet pour chaque film à l’affiche. Et je voulais les voir tous. Tous les films n’étaient pas projetés dans ce cinéma (appelé le « Centrale) mais aussi dans le Narodno (le cinéma municipal) situé sur la place publique. Aujourd’hui c’est le siège du théâtre de la ville. Il y avait aussi quelques films dans le Dom JNA (Le Centre de l’ l’Armée du peuple Yougoslave). C’était plus difficile d’y rentrer gratuitement parce que je n’étais pas un des habitués, alors j’ai utilisé divers tactiques pour voir un film, même quand je n’avais pas assez d’argent. En général, je combinais plusieurs vieux billets de la même couleur (ils étaient de couleurs différentes) pour en faire un faux, et je me mêlais à la foule. J’ai tellement perfectionné ce procédé que je pouvais aller au cinéma jusqu’à 5 fois à l’aide de deux billets valides et un peu de scotch.
De telles activités sont devenues rares alors que je grandissais. Au lycée, je pouvais gagner un peu d’argent, donc il n’y avait pas de problème pour acheter des billets de cinéma. Cependant, résoudre ce problème (selon la loi de Murphy), a mené à un nouveau problème, encore pire. D’abord la guerre, suivie d’une crise générale, et la privatisation, qui a ruiné la société de distribution qui fournissait les films à notre cinéma. Narodno est devenu une sorte de centre culturel et puis un théâtre. Le Centre de l’Armée du Peuple Yougoslave a changé sa fonction plusieurs fois, et maintenant fait partie de l’université. Le cinéma-prison est devenu un lieu de culte pour les prisonniers. Sans films, et aucun investissement, le Central a fermé ses portes. Le bâtiment qui avait été saisi lors de la nationalisation fut rendu à son propriétaire (ou était géré par le Service culturel du gouvernement local, je ne sais plus). Le propriétaire voulait le vendre, et c’est ce qu’il a fait. Il l’a vendu à l’Eglise. Ainsi fut scellé le sort du cinéma par rapport à sa raison-d’être : le bâtiment construit pour le cinéma, dont la façade symbolise l’écran argenté, ne servira plus jamais à sa première fonction. C’est la vie.L
Le cinéma moderne
Projecteur 35mm à partir d'un 'ancien cinéma.
Il ne restait plus aux gens comme moi, qui estimaient que le cinéma représentait beaucoup plus que juste quelque chose à faire le soir, que des projections Art-ino et le festival de films minutes, organisé par notre club ciné-vidéo. Et puis sont venus les voyages à Zagreb comme je l’ai dit.
C’est alors que nous nous rendions compte qu’il y a un autre côté au cinéma. Ce n’était plus notre lieu « socialiste » où on venait pour voir un film et ensuite on partait dans la nuit. Mais cela faisait partie d’un énorme vortex de consommation. Les films sont annoncés avec des bandes-annonces qui sont projetées non-stop. Sans ressembler au cinéma que je connaissais, tout ici fait du bruit, brille de tout feux, vous attire pour vous faire dépenser de l’argent—depuis les kiosques de nourriture jusqu’à l’entrée du cinéma où il faut traverser tout un centre commercial. Nous nous rendions compte soudain ce que signifiait « business » dans le terme « show business ».
Pour moi, le plus important, c’est que je peux voir les films dans des cinémas qui sont vraiment au top en matière de 3D, Imax, HFR et je ne sais quels autres formats et versions. Aussi, il y a une douzaine de films au choix, c’est difficile de décider quel film voir l’après midi, et le soir. Après que j’ai résolu le problème et que je me plonge dans un bon film dans l’obscurité de la salle de cinéma, tout le reste m’est moins important. Il n’y a que le film et moi. Et un espoir secret pour un miracle par lequel Pozega ouvrira un petit cinéma, bien équipé.
C’est alors que nous nous rendions compte qu’il y a un autre côté au cinéma. Ce n’était plus notre lieu « socialiste » où on venait pour voir un film et ensuite on partait dans la nuit. Mais cela faisait partie d’un énorme vortex de consommation. Les films sont annoncés avec des bandes-annonces qui sont projetées non-stop. Sans ressembler au cinéma que je connaissais, tout ici fait du bruit, brille de tout feux, vous attire pour vous faire dépenser de l’argent—depuis les kiosques de nourriture jusqu’à l’entrée du cinéma où il faut traverser tout un centre commercial. Nous nous rendions compte soudain ce que signifiait « business » dans le terme « show business ».
Pour moi, le plus important, c’est que je peux voir les films dans des cinémas qui sont vraiment au top en matière de 3D, Imax, HFR et je ne sais quels autres formats et versions. Aussi, il y a une douzaine de films au choix, c’est difficile de décider quel film voir l’après midi, et le soir. Après que j’ai résolu le problème et que je me plonge dans un bon film dans l’obscurité de la salle de cinéma, tout le reste m’est moins important. Il n’y a que le film et moi. Et un espoir secret pour un miracle par lequel Pozega ouvrira un petit cinéma, bien équipé.
Qui sait, peut-être notre ville verra la lumière au bout du tunnel-cinéma. Comme celle qui a brillé en Bulgarie, où Reg a expliqué à des cinéastes en herbe ce que c’est le vrai amour de cinéma.
Après avoir dit tout cela il est rentré dans un cinéma pour une autre session marathonienne de films non-professionnels au festival de l’Unica. Ce n’est pas croyable combien Reg me rappelle moi-même. Bon sang, je regarde aussi les films toute la journée à ce festival…
- Zvonimir Karakatic
[Traduction: Jeanne Glass - merci, merci, merci]
Après avoir dit tout cela il est rentré dans un cinéma pour une autre session marathonienne de films non-professionnels au festival de l’Unica. Ce n’est pas croyable combien Reg me rappelle moi-même. Bon sang, je regarde aussi les films toute la journée à ce festival…
- Zvonimir Karakatic
[Traduction: Jeanne Glass - merci, merci, merci]