Je suis née à Osijek, en Croatie. Au cours de mon enfance, j’ai vécu dans de nombreuses villes de l’Ex-Yougoslavie, notamment à Zagreb, Ljubljana, Pančevo, Belgrade et Split. J’ai depuis toujours aimé remettre en question et exprimer des idées via le langage visuel. J’ai étudié le dessin à l’académie des Arts de Split et j’ai suivi pendant mes études des cours de réalisation cinématographique au sein du Club de cinéma historique de Split (Kino klub Split, KKS). Le KKS est une association de passionnés du cinéma, qu’il s’agisse d’en apprendre davantage sur le sujet, de créer ou simplement de regarder toutes sortes de films. Il existe depuis 65 ans déjà. Lorsque je l’ai rejoint en 2003, le club se trouvait dans une crise durable, due aux conséquences de la guerre, à la perte d’espace, aux changements technologiques, au manque de jeunes membres et de moyens financiers. Portée surtout par la curiosité et le besoin de (ré)établir un lieu et des conditions de libre pensée et de réflexion, d’exploration et de création, indépendamment des origines sociales de chacun, je me suis engagée de plus en plus dans l’organisation et le développement du club.
Après avoir obtenu mon diplôme en 2006, j’ai commencé à travailler comme assistante au département audiovisuel de l’académie des Arts de Split, puis quelques années plus tard, à diriger officiellement le club de cinéma. A cette époque, j’ai également renoué avec les générations antérieures de réalisateurs et mon intérêt pour leur approche unique s’est accru. J’ai effectué des recherches approfondies sur du matériel d’archives. Dans le même temps, j’ai tenté d’améliorer les chances de formation pour nos membres en lançant de nouveaux programmes sous forme d’ateliers, de cours, de séminaires, de projections ainsi qu’en développant nos capacités de production audiovisuelle grâce à de nouveaux équipements, notamment par l’acquisition d’un petit laboratoire 8mm et 16mm, tout cela avec le soutien considérable de mes collègues.
En 2011, j’ai perdu mon poste à l’académie des Arts en raison de divergences profondes en matière de méthodologie pédagogique. Au cours de cette même année, j’ai été admise à un atelier international dirigé par Bela Tarr et j’ai été étroitement impliquée dans son projet « The Film Factory » * qui s’est déroulé à Sarajevo de début 2013 à début 2017. Il s’agissait d’un programme doctoral dans le domaine de la réalisation. L’objectif principal du projet était de protéger et de développer les talents et les approches et sensibilités individuelles des générations nouvelles, et ce non pas en les instruisant, mais en libérant leur imagination et en encourageant des visions authentiques et personnelles. En ce sens, l’idée de ce projet était plus proche du concept de laboratoire expérimental que d’un système pédagogique classique. Au cours de ces 4 années, nous avons eu l’occasion de rencontrer de nombreux auteurs internationaux et d’échanger avec eux.
Je considère le cinéma amateur comme une catégorie de production
distincte, mais je suis convaincue que le fait d’être un auteur est
absolument indépendant de la catégorie au sein de laquelle on
produit. Je pense que l’argent, lorsqu’il en est question au cours
de la réalisation d’un film, doit être seulement un outil. Un auteur
ne doit pas se laisser manipuler par des règles commerciales. Il
doit toujours insister pour trouver un moyen de préserver sa liberté
de choix et de décider de sa manière de travailler. Si l’on peut le
faire avec amour, attention et dévouement en tant qu’amateur, on
doit être capable d’avoir la même approche en tant que
professionnel, quelles que soient les conditions. Cette
responsabilité nous incombe et je suis profondément convaincue que
la liberté d’exprimer ses idées de la manière dont on le souhaite ne
doit pas être compromise.
Sunčica Fradelić