L’obscurité était partout, une lune pleine éclairait le ciel… Un bruit commençait à se faire entendre au loin. Les jeunes équipes de tournage attendaient, tendues. Les objectifs se tournaient vers les lumières qui arrivaient. Nous étions au bord de la piste, et étions témoins de l’atterrissage du plus gros avion jamais arrivé à Suceava jusqu’alors. L’appareil était baptisé « Henri Coandă », du nom d’un des pionniers roumains du moteur à réaction. Les passagers descendirent pour être salué par un grand Écossais portant une pancarte « UNICA 2016 ».
Ce jeudi avait commencé par des réunions et une conférence de presse, mais pour moi, ces embrassades, poignées de mains et salutations sur le tarmac marquaient le véritable début de notre festival.
Notre festival UNICA 2016 fut officiellement lancé par une magnifique cérémonie d’ouverture dans les ruines de la citadelle surplombant la ville. De jeunes gens nous attendaient, portant les drapeaux des 30 nations membres de l’UNICA. Nous avons suivi la chaussée de bois, dans un défilé de style olympique, puis traversé le pont-levis pour arriver à la herse du château. Ion Lungu, le maire de Suceava, a souhaité la bienvenue à chacun d’entre nous, et on nous a offert du pain et du sel, dans la plus pure tradition roumaine. Des groupes de reconstitution historique avaient placés gardes et damoiselles le long de notre chemin, nous montrant ainsi les différents aspects de la vie médiévale dans la forteresse. La cour intérieure avait été préparée comme un théâtre : des rangées de sièges, une scène et un grand écran nous attendaient, au milieu des remparts.
A l’écran, on pouvait lire en sur-titrage les traductions des discours officiels. Les 30 participants des ateliers jeunesse, venant entre autres de Suisse, de Russie, d’Ukraine, de Finlande, de France, de Slovaquie, des Pays-Bas, d’Allemagne et de Roumanie furent appelés sur scène pour être présentés et applaudis. Puis vinrent les danseurs et les musiciens.
La Roumanie a vécu sous un système féodal jusqu’au XIXème siècle, préservant ainsi un style de vie paysan. Le pays restait également très isolé jusqu’en 1989 et la chute du régime Ceauşescu. Les danses et les musiques traditionnelles purent alors être conservées. Nous avons pu y reconnaître une touche cosaque. Des musiciens solistes talentueux de la région nous firent écouter leurs violon et flûte de Pan. Les trompettes baroques résonnèrent alors sur les remparts, annonçant l’arrivée du « fantôme d’Étienne III le Grand » [Ștefan cel Mare en roumain], le grand roi de Roumanie, et de sa cour, qui nous souhaita également la bienvenue.
Alors que nous retournions vers nos bus, les groupes de rock avaient commencé à jouer dans les douves, maintenant asséchées. Un festival de rock ayant lieu dans la citadelle avait été stoppé pendant quelques heures pour permettre à notre cérémonie d’avoir lieu. La musique reprenait ses droits, et nous en profitions pour filmer du haut du pont-levis.
Si nous n’étions pas encore complètement surpris par cette cérémonie, le banquet d’ouverture fut le coup de grâce. Comme tous les repas officiels que nous avons eus durant cette semaine roumaine, il était constitué d’au moins cinq plats, comportait de beaucoup de vins et de spiritueux, et accompagné par de la musique. Nous avons terminé la soirée très heureux, à la fois repus et fatigués.
Cela ne nous a cependant pas empêché de commencer de bonne humeur les projections le lendemain matin dans le Cinema Modern, un endroit qui a été totalement rénové pour faire office de cinéma et de salle de théâtre de la ville. Les programmes nationaux ont été vus, le jury a apporté ses commentaires, et à la fin de la semaine, les récompenses ont été attribuées. Tout s’est bien passé, avec seulement quelques petits problèmes.
Il y a eu deux excursions : Une journée complète dédiée à la visite de monastères chrétiens orthodoxes, avec leurs chapelles recouvertes de fresques murales. C’est une des spécificités de la région de Bucovine. L’autre excursion, celle-ci d’une demi-journée, commença par la visite du musée de la ville, qui avait ouvert seulement quelques semaines auparavant après une rénovation totale. Notre joyeuse assemblée a ensuite été conduite vers une auberge rurale, où nous nous sommes régalés de plats grillés, avons profité de balades en calèche et pu danser dans la nature.
La partie la plus formelle de notre festival fur l’Assemblée
Générale, qui s’est tenue dans une salle des plus imposantes. Les
rapports ont été acceptés, et la plupart des sujets acceptés sans
trop de discussions… jusqu’à ce que nous en arrivions à débattre des
changements proposés pour la compétition UNICA.
Certains pays membres et « lobbyistes » ont fait passer des messages
passionnés pour que l’UNICA reste un forum où l’on présente des
films amateurs. Peut-être n’ont-ils pas remarqué que la volonté du
Comité était de retirer la catégorie « Jeunes Professionnels », la
seule catégorie dans laquelle il est possible de présenter un
travail à caractère commercial. Les discussions qui ont suivi ont
laissé place à une opposition, et rien n’a pu changer. Un vote a
indiqué 7 délégations pour le retrait de la catégorie « Jeunes
Professionnels », et 7 pour son maintien, le reste préférant
s’abstenir. Les règles de la compétition de 2017 seront
annoncées après une réunion du Comité fin octobre.
Il y a bien sûr eu quelques problèmes, comme lors de tout grand évènement. L’un des plus irritants fut celui posé par les récepteurs et les casques pour l’interprétation simultanée. Au départ, il y avait beaucoup de batteries déchargées, puis certains casques refusaient tout bonnement de fonctionner. De plus, la réception suivant l’endroit où vous étiez placés dans le cinéma ou lors de l’Assemblée Générale était très variable.
D’un autre côté, l’une des réussites les plus marquantes fut l’atelier UNICA Jeunesse. Les participants, pour la plupart adolescents, furent logés dans une résidence universitaire et travaillèrent dans des salles du planétarium. Des tuteurs venant de la télévision roumaine les ont aidés dans leurs travaux et ont animé les différents ateliers. Les jeunes auteurs s’aidèrent les uns les autres, se prêtèrent leurs équipements et sont devenus des amis. Ils purent alors présenter des films passionnants et très variés lors de la cérémonie de clôture, et ils exprimèrent de façon éloquente le plaisir qu’ils éprouvaient après avoir été admis au sein de la famille UNICA.
Une note amère a été émise par la FFCV, l’organisation nationale française. De toutes les organisations membres, c’est la seule à avoir refusé de demander aux auteurs de renvoyer des documents signés, autorisant ainsi la diffusion des films présentés. Il semblait alors que nous allions être dans l’impossibilité de présenter un programme français ; je décidai donc de contacter certains auteurs dont je connaissais l’adresse électronique. Leur réponse fut immédiate. A cet instant – et longtemps après la date officielle de clôture des dossiers – la FFCV a travaillé d’arrache-pied pour contacter les autres auteurs, mais n’a pas pu tous les joindre à temps. Nous avons donc pu présenter un programme français, malheureusement raccourci. Dans son magazine et son site internet, la FFCV a publié une série de plaintes et de reproches à l’UNICA. Elle interprète notre décision comme un acte délibérément hostile à la France et comme une attaque à l’intégrité de leur fédération.
Ce n’est absolument pas le cas.
Laissez-moi être le plus clair possible. Le Comité ne travaille que pour le bien de l’UNICA. Il sert les pays membre du mieux qu’il peut. Nous avons procédé à des changements tardifs quant à l’entrée des films en compétitions suite aux conseils d’avocats spécialisés. Notre but est de protéger l’UNICA d’un désastre financier, si un cas de « plagiat » tel que celui de Fieberbrunn en 2013 (d’ailleurs détecté grâce aux officiels de la FFCV) se reproduisait.
Le drapeau de l’UNICA est passé à l’Allemagne. L’équipe d’organisation du Congrès de Dortmund en 2017 a déjà les choses bien en main. Les films de présentation et les informations données l’ont montré… vous pouvez retrouver le tout dans les trois langues officielles de l’UNICA sur le site internet www.unica2017.com. Je doute qu’ils puissent offrir autant de danses folkloriques ou d’aussi copieux repas, mais ils ont plus d’un tour dans leur sac, et sauront nous surprendre. N’hésitez pas à vous inscrire aux lettres d’informations pour tout connaître des détails de Dortmund 2017.
Nous avons beaucoup de choses prévues pour les prochaines années : Dortmund en 2017, la République Tchèque avec Blansko en 2018 et les Pays-Bas en 2019. Restez à l’affut sur notre site internet !
Gardez également les yeux ouverts pour les jeunes réalisateurs de chez vous, qui pourraient peut-être participer à notre atelier pour la jeunesse. Il n’est pas nécessaire pour eux d’avoir un film dans le programme national, mais si tel était le cas, l’UNICA paye la moitié de la carte de congrès pour un jeune auteur par pays.
J’avais l’impression que l’UNICA 2016 avait commencé à l’atterrissage de cet avion, peu après la tombée de la nuit. Rien de surprenant alors de voir notre congrès annuel se terminer une semaine plus tard, aux premières lueurs de l’aube, lorsque notre avion décollait pour nous ramener chez nous.
Dave Watterson. UNICA Président(écrite Septembre 2016, publié Octobre 2016)
Roumanie: Ion Lungu, Viorel Ieremie, Emil Mateias,
Mihai Dimian, Anca Greculeac, Viorel Varvaroi, Valentin Ianoș, Cezar
Olariu.
Jury: Jacqueline Pante (Italie), Eugy Van Gool
(Belgique), Pia Kalatchov (Suisse), Ivan Kozlenko (Ukraine), Florin
Paraschiv (Roumanie), Zuzana Skoludova (Slovaquie), Stanimir Trifonov
(Bulgarie)
Traducteurs: Jean-Claude Lejosne, Odilon Dubost, Delia
Vagner.
Image credits: Magda Odobescu
Palmares / Photographies officielles / UNICA 2016 site Internet / UNICA 2017 site Internet